La SFSP consacre son dossier du mois de mars à la Charte de Genève pour le bien-être. A cette occasion, elle diffuse sur son site une interview de Christine Ferron, déléguée générale de la Fnes et vice-présidente de la SFSP.

 

Bonjour Christine Ferron. La Charte de Genève pour le bien-être a été adoptée à la suite de la 10e Conférence mondiale sur la promotion de la santé organisée par l’OMS en décembre 2021, pouvez-vous nous présenter le contexte dans lequel cette charte a été rédigée, et développer les grands axes abordés ?

La 10ème conférence mondiale de promotion de la santé qui s’est tenue à Genève les 13 et 15 décembre 2021 a rassemblé – en ligne – plus de 4500 participants. La Charte qui en est issue marque une évolution importante, puisqu’elle vise à créer des « sociétés du bien-être » plutôt que « favorables à la santé ». Les participants à cette conférence ont-ils pris acte du fait que les politiques utilisaient désormais le terme de « santé » lorsqu’ils voulaient parler du soin, rendant très difficile la prise en compte de l’ensemble des déterminants et des pratiques promotrices de santé ? Toujours est-il que l’objectif affiché de la « Charte du bien-être » est de rappeler la responsabilité des dirigeants et décideurs politiques, institutionnels et du secteur privé quant à la mise en œuvre concrète du principe de la santé dans toutes les politiques et du renforcement du pouvoir d’agir de la population.

Cinq principaux axes d’intervention sont préconisés par la Charte :

Valoriser, respecter et protéger la planète et ses écosystèmes

L’initiative One Health et le concept de Planetary Health sont ici mis en avant comme des leviers pour améliorer la préparation aux pandémies et renforcer l’équité en santé, par la lutte contre le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, l’épuisement des ressources et la pollution.

Concevoir une économie équitable au service du développement humain

Plusieurs volets composent cet axe de la Charte : une protection sociale inclusive, le respect des droits des travailleurs, des systèmes de production et de consommation fonctionnant selon les principes de l’économie circulaire, l’élimination des discriminations structurelles, et une réglementation efficace des déterminants commerciaux de la santé, c’est-à-dire une lutte efficace contre les lobbys.

Mettre en place des politiques publiques favorables à la santé, au service de l’intérêt général

Le bien-être de la population doit être l’objectif poursuivi par les politiques publiques, les décisions budgétaires et les réglementations. A tous les niveaux, du local au mondial, les décideurs doivent s’engager à atteindre les objectifs du développement durable, à mettre en œuvre des politiques multisectorielles en faveur de la santé, et à soutenir une répartition équitable des ressources nécessaires à la santé, en éliminant toutes les formes structurelles de discrimination et d’injustice, en partenariat étroit avec la société civile.

Assurer une couverture maladie universelle en tant que pierre angulaire de la stabilité sociale, économique et politique

La Charte rappelle dans cet axe la nécessité de soutenir les soins primaires et de garantir une répartition équitable des biens de santé. La prise en compte du bien-être mental, la protection et le soutien des professionnels sont considérés comme des priorités de la réorientation des services de santé.

Gérer les impacts de la révolution numérique

La Charte de Genève prend en compte aussi bien les risques que les opportunités de la transformation numérique. Une société promotrice de bien-être évalue et neutralise les méfaits des outils numériques et leurs atteintes au pouvoir d’agir, garantit un accès équitable à la technologie numérique et exploite tout son potentiel en faveur de l’épanouissement humain et planétaire.

 

La charte dit s’inscrire dans l’héritage de la Charte d’Ottawa, quelles sont les évolutions marquantes que l’on peut noter depuis son écriture en 1986 ?

La Charte de Genève s’inscrit en effet dans une longue lignée de chartes et de déclarations, dont aucune d’entre elles ne remet en cause les principes énoncés dans la Charte d’Ottawa. Ironiquement, l’une des évolutions les plus marquantes depuis 1986, c’est l’appropriation des mots-clés de la promotion de la santé par une diversité d’acteurs issus du monde politique, économique, social, éducatif… sans impact notable sur les organisations, les décisions et les réalités de terrain. Force est de constater qu’en dépit des efforts de plaidoyer des acteurs de la promotion de la santé, de mieux en mieux formés et de plus en plus compétents, les principes de la promotion de la santé sont davantage visibles dans les textes et les affichages que transposés dans les politiques.

 

La charte s’inscrit dans un contexte sanitaire compliqué, et l’évoque à plusieurs reprises, selon vous, est-ce que sa parution marque un tournant important dans le domaine de la promotion de la santé, lié à la crise Covid ?

Les principes et les valeurs énoncés dans la Charte, s’ils avaient été promus et appliqués en amont de la crise sanitaire, en auraient atténué les effets. La Charte de Genève rappelle opportunément que la crise Covid a mis en évidence les fractures sociales et souligné l’impact des déterminants écologiques, politiques, commerciaux, numériques et sociaux de la santé et des inégalités, dans et entre les groupes sociaux et les nations. Elle souligne également les liens entre santé humaine et changement climatique, chute de la biodiversité et urbanisation rapide. Vous évoquez le « contexte sanitaire compliqué » dans lequel nous nous trouvons, nous ne pouvons pas non plus faire abstraction de la guerre actuellement en cours en Ukraine, sur le sol européen ; or la Charte de Genève évoque les crises « encore plus graves » générées par les conflits géopolitiques, la militarisation et les déplacements de populations. Cette évocation rejoint les conditions préalables à la santé citées dans la Charte d’Ottawa, en particulier la paix et un abri, auxquelles, plus que jamais, nous devons ajouter la démocratie et le respect des droits humains.

 

Dans le texte, je traduis « Dans une société promotrice de bien-être, le gouvernement est le gardien de tous les atouts de la société pour une planète saine, durable et équitable au nom des générations actuelles et futures. » En cette période pré-électorale, quelles recommandations pourrait-on faire pour mettre en œuvre cette affirmation ?

La Charte de Genève est très inspirante en cette matière. Elle parle de « politiques audacieuses de transformation sociale » reposant sur plusieurs piliers, dont le respect des principes des droits humains, de justice sociale et environnementale, de solidarité et d’équité (de genre et intergénérationnelle). Elle plaide pour un engagement en faveur d’un développement durable à faible émission de carbone, fondé sur la réciprocité et le respect entre les humains, et des relations apaisées avec la nature. Elle propose aussi que de nouveaux indicateurs basés sur le bien-être humain et planétaire soient utilisés pour juger de la réussite des politiques, et pour identifier les dépenses publiques prioritaires, dans tous les domaines

 

Un mot pour conclure ?

Difficile de penser à une conclusion alors que la Charte de Genève nous invite à agir, que nous appartenions à une association, une université, une entreprise, une institution, une organisation internationale… et surtout à ne pas agir seul, mais de manière concertée, collective, partenariale, en soutenant résolument la capacité de tous et toutes à prendre en main leur vie, leur santé et leur bien-être. Il s’agit là d’un engagement qui met au premier plan la défense des valeurs de la promotion de la santé et plus largement des sociétés démocratiques, aujourd’hui menacées aussi bien à l’international qu’à l’intérieur de notre propre pays.

 

  Lire l’interview sur le site de la SFSP

  La charte de Genève pour le bien-être

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