L’émission du 17 octobre sur Solidarités TV, la chaîne de l’Uniopss

 

Construite autour de 3 séquences, l’émission du 17 octobre de Solidarités TV, la chaine créée sur YouTube par l’Uniopss avec le soutien du Crédit Coopératif, s’est intéressée à l’avenir des politiques de santé.

 

  • Séquence 1 –  Inégalités en santé : comment lutter ?

 

  • Séquence 2 –  Santé : quelle place de la prévention ?

 

  • Séquence 3 –  Quelle état de notre démocratie en santé ?

 

  Voir le replay intégral

 

Santé : quelle place de la prévention ?

 

La prévention en santé n’a jamais vraiment fait l’objet d’investissements publics de grande envergure, malgré les récentes annonces du gouvernement sur le sujet. Mais de quoi parle-t-on quand il s’agit d’envisager un renforcement des politiques de santé publique ? Quels sont les domaines dans lesquels il conviendrait de rapidement investir ? Comment atteindre les publics les plus éloignés du soin ?

En plateau, Christine Ferron, déléguée générale de la Fnes et Bernard Basset, président de l’association Addictions France soulignent la nécessité d’inscrire notre système de santé dans une démarche plus préventive, plus promotrice de santé, et rappellent les domaines prioritaires dans lesquels investir.

En duplex, Marine Boyer, responsable des relations partenariales ESS chez Harmonie Mutuelle-Groupe VYV, évoque les risques pour la santé au travail et présente des pistes d’action pour prévenir ces derniers. Dans une interview en vidéo, François Bourdillon, ancien directeur général de Santé publique France, revient sur l’impact des politiques de prévention sur la population.

 

Les réponses de Christine Ferron

Notre système de santé est avant tout basé sur le cure. Comment sortir de cette logique pour s’inscrire dans une démarche plus préventive de la santé ? 

La vidéo que vous venez de présenter est très représentative des enjeux. L’accès aux soins des personnes en situation de handicap est absolument crucial et leur accès à la prévention médicalisée également. Et les professionnels font avec ces personnes un travail remarquable. Cependant l’accès aux soins et à la prévention ne peut pas reposer uniquement sur les personnes en situation de handicap elles-mêmes. Pour que ça marche, il faut aussi des changements dans les services, que les services s’adaptent aux besoins des personnes.

Alors comment « s’inscrire plus globalement dans une démarche plus préventive de la santé ? » (c’est votre question), ou plutôt, plus promotrice de la santé de la population ? Il me semble qu’il y a un principe qui serait à soutenir et qui pourrait changer beaucoup de choses, c’est celui de la santé dans toutes les politiques : chaque décision politique majeure devrait s’accompagner d’une prise en compte de ses effets sur la santé de la population. Par exemple, un gouvernement ne peut pas prétendre se préoccuper de la santé de la population, et envisager de prendre une décision comme la diminution des aides sociales, dont on sait, avec certitude, qu’elle va affecter très profondément la santé des personnes concernées, mais aussi leur entourage, et singulièrement, leurs enfants. Or la santé des enfants est une priorité du Plan national de santé publique. Alors, nous avons eu le rapport sur les 1000 premiers jours, dans lequel il y a des pistes intéressantes, mais qui n’auront que très peu d’impact, tant que l’on ne prendra pas davantage en compte les déterminants économiques et sociaux de la santé des enfants. La promotion de la santé a besoin de continuité et de cohérence. Ses professionnels, ses acteurs ne devraient pas être continuellement en situation de compenser les effets négatifs de mesures politiques contraires à la santé publique.

Quels sont les domaines dans lesquels il convient de rapidement investir ?

L’urgence absolue aujourd’hui, c’est la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, en lien avec les questions de santé environnement. 

Un tout récent rapport de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (la DREES), montre que le niveau socio-économique des communes influe sur le taux de mortalité fœtale et néonatale, ainsi que sur la prématurité. La mortalité périnatale a cessé de diminuer et stagne depuis plus de dix ans. Ce sont des chiffres qui devraient alarmer tous les responsables politiques, tant ils sont révélateurs de l’impact des inégalités sociales sur des indicateurs de santé parmi les plus fondamentaux.

L’inaction en ce domaine est d’autant plus regrettable que les mesures à prendre sont très bien documentées. J’en évoque juste rapidement quelques-unes :

  • Renforcer la prévention universelle et de proximité – santé scolaire, santé au travail, protection maternelle et infantile, tous secteurs essentiels, aujourd’hui en très grande difficulté,
  • En complément de cette approche universelle, apporter des réponses proportionnées aux besoins des populations et des territoires, et en particulier, lutter contre la précarité et soutenir sans contrepartie les publics les plus en difficulté sociale et économique,
  • Enfin, agir le plus précocement possible dans le parcours de vie des enfants et faire de la lutte contre les inégalités scolaires une priorité.

Quelle est votre réaction à ces propos de François Bourdillon sur la difficulté des politiques de prévention à impacter les plus fragiles… ?

Pour rejoindre les publics les plus éloignés de la prévention, il faut travailler avec eux. Cela veut dire, non seulement, comme cela vient d’être dit, améliorer la communication dans leur direction, mais aussi et surtout, construire avec ces personnes, dans un cadre participatif, les réponses aux questions de santé qui sont pour elles prioritaires. Or les approches par risque ou par problème de santé ne sont pas les plus appropriées pour cela, parce que ces publics cumulent souvent les problématiques. Il n’y a pas beaucoup de sens à aborder une population, quelle qu’elle soit, un jour par la porte d’entrée « tabac », le lendemain par l’alcool, le surlendemain par les 5 fruits et légumes, le jour d’après par l’activité physique etc. Ce n’est pas comme cela que les personnes vivent leur santé au quotidien, et ce n’est pas comme cela qu’on répondra à l’objectif de prise en compte de chaque personne dans sa globalité. Il faut prendre garde à ne pas reproduire, dans le travail avec ces publics, le fonctionnement en silo de nos institutions.

Cela veut dire mettre en place des approches intersectorielles et pluripartenariales. 

Question internaute (Christophe) : Quels facteurs pour développer une véritable politique de santé publique ?

Tout l’enjeu me semble être de sortir d’une approche biomédicale de la santé qui est encore très dominante dans notre pays aujourd’hui (c’est-à-dire, une approche descendante, centrée sur les comportements à risque, axée sur la responsabilité individuelle…) pour développer une santé publique qui va mobiliser les principes d’intervention de la promotion de la santé. Pour renforcer la culture de cette nouvelle santé publique dans notre pays, j’identifie trois facteurs majeurs :

  • Le premier, c’est la prise de conscience politique de l’impact des déterminants sociaux et environnementaux sur la santé – nous n’avons pas le temps d’aborder le sujet en détail, mais l’accès à des logements dignes dans des quartiers où il fait bon vivre, le renforcement du lien social, la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de l’environnement, la prévention de l’exposition aux produits toxiques…, ce sont des composantes essentielles d’une politique promotrice de santé – au bout du compte, c’est la soutenabilité de notre système de santé tout entier qui est en jeu, et à très court terme.
  • Le 2ème facteur, c’est la reconnaissance des forces et des ressources de la population et c’est s’appuyer sur ces forces et ces ressources dans le cadre de démarches ascendantes pour produire des décisions concertées. La participation de la population aux décisions de santé qui la concernent est l’un des leviers d’intervention les plus probants dans notre champ.

Enfin, il existe partout sur le territoire national, y compris dans nos territoires d’outre-mer, une vitalité et une expertise associatives en promotion de la santé, qui ne demandent qu’à s’investir dans ces démarches ascendantes, auprès des institutions, auprès des populations et sur des terrains d’intervention qu’elles connaissent par cœur. Ces savoir-faire, cette expertise expérientielle, il faut absolument les mobiliser et leur donner les moyens d’agir dans la durée.

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